Autisme et culture cognitive : quel défi ? Lorsqu’un manager intègre une personne autiste dans son équipe, il peut être déstabilisé par des comportements inhabituels : une communication très factuelle, une difficulté à percevoir les sous-entendus, un besoin d’organisation stricte… Ces différences peuvent être comparées à une rencontre interculturelle où deux systèmes de pensée, de communication et de valeurs se confrontent.
Dans le monde du travail, il est naturel d’adapter son management aux différences culturelles : par exemple, un manager saura que travailler avec une équipe japonaise, américaine ou française implique des codes spécifiques. Pourquoi ne pas adopter le même principe avec les personnes autistes ?
En considérant l’autisme comme une culture cognitive différente, les managers peuvent mieux comprendre et accompagner leurs collaborateurs autistes, en ajustant leurs attentes et en mettant en place des stratégies adaptées. Cet article explore comment cette approche interculturelle permet d’améliorer l’intégration des travailleurs autistes en entreprise.
L’autisme : un cadre cognitif et social différent
Dans une relation interculturelle, des incompréhensions peuvent survenir parce que les références, les codes et les attentes ne sont pas les mêmes. De la même façon, une personne autiste perçoit, comprend et interagit avec le monde différemment.
Les spécificités cognitives de l’autisme
- Un traitement très analytique et détaillé de l’information.
- Une communication souvent précise, factuelle et sans détour.
- Un besoin de stabilité et de prévisibilité pour éviter la surcharge cognitive.
- Une difficulté à interpréter les implicites sociaux, les émotions subtiles ou le second degré.
Pourquoi l’assimiler à une culture différente ?
- Un cadre référentiel propre, avec des règles de communication spécifiques.
- Une manière différente de percevoir les interactions sociales.
- Une structuration du temps et de l’espace qui peut sembler rigide, mais qui est essentielle pour l’équilibre de la personne autiste.
Autisme et culture cognitive : l’enjeu pour les managers
Accompagner un collaborateur autiste, c’est accepter que son mode de fonctionnement soit différent et s’adapter, comme on le ferait avec un collègue issu d’une autre culture.
Les incompréhensions managériales et leurs parallèles interculturels
Les managers peuvent ressentir des frustrations ou des malentendus face aux comportements d’une personne avec autisme. En les analysant sous l’angle d’une rencontre interculturelle, ces décalages deviennent plus compréhensibles et plus faciles à gérer.
Biais cognitifs managériaux
Situation observée | Réaction typique du manager | Explication en termes interculturels |
Un salarié autiste ne répond pas aux sous-entendus, aux messages implicites ou aux blagues. | “Il manque de spontanéité et ne comprend pas l’esprit d’équipe.” | Comme dans certaines cultures où l’on privilégie la communication directe, la personne autiste prend les mots au premier degré et évite les ambiguïtés. |
Il a des réactions qui semblent excessives face à un changement imprévu. | “Il est rigide et ne sait pas s’adapter.” | Dans certaines cultures, la planification est primordiale et tout changement soudain est perçu comme une menace. L’autisme fonctionne souvent sur ce mode. |
Il ne participe pas aux discussions informelles, refuse les repas d’équipe ou reste en retrait. | “Il n’est pas intégré et ne fait pas d’efforts.” | Dans certaines cultures, la vie sociale au travail est secondaire par rapport aux tâches à accomplir. L’autisme adopte une logique similaire. |
Il signale une erreur sans précaution oratoire, ce qui peut être perçu comme brutal ou inapproprié. | “Il manque de diplomatie et de sens relationnel.” | Dans certaines cultures, l’honnêteté prime sur la forme. Un collaborateur autiste privilégie souvent le fond au détriment de la manière de dire les choses. |
Ce que le manager peut retenir
Au lieu d’interpréter ces comportements comme un manque de volonté ou une difficulté à s’intégrer, il peut les percevoir comme une façon différente d’interagir avec le monde.
Adapter son management comme dans un contexte interculturel
Pour faciliter la collaboration avec un salarié autiste, un manager peut appliquer des stratégies similaires à celles utilisées dans un contexte interculturel.
Clarifier la communication
- Formuler des consignes explicites et précises
- Éviter les sous-entendus et les doubles sens
Comme avec un collègue d’une autre culture linguistique, il est essentiel de donner des consignes claires et directes.
Exemple :
- Ne pas dire : “Tu pourrais jeter un œil à ce dossier ?” (trop flou)
- Dire : “Peux-tu analyser ce dossier et me faire un retour écrit avant jeudi à 14h ?”
Structurer l’environnement de travail
- Prévoir un cadre stable avec des processus clairs
- Éviter les changements de dernière minute sans explication
Les entreprises internationales savent que la gestion du temps varie selon les cultures (ponctualité stricte en Allemagne, flexibilité en Amérique du Sud). De la même manière, un salarié autiste a besoin d’un cadre organisé pour fonctionner efficacement.
Adapter les interactions sociales
- Accepter que certaines normes sociales ne soient pas naturelles pour un salarié autiste
- Ne pas forcer les interactions informelles
Exemple :
- Ne pas obliger un salarié autiste à participer aux pauses-café ou aux déjeuners d’équipe. Il peut préférer des interactions cadrées, liées au travail.
Valoriser les compétences spécifiques
- Mettre en avant les forces du salarié autiste (rigueur, logique, persévérance…)
- Ne pas focaliser uniquement sur ses difficultés relationnelles
Comme dans un contexte interculturel où l’on s’appuie sur les points forts de chaque culture, un manager doit identifier et valoriser les compétences spécifiques de son collaborateur autiste.
Conclusion : vers un management inclusif et adapté
Accompagner une personne avec autisme en entreprise ne signifie pas le “normaliser” ou le faire rentrer dans un moule, mais plutôt adapter les pratiques managériales pour tirer parti de la diversité cognitive.
L’approche interculturelle permet aux managers de changer de perspective : au lieu de voir l’autisme comme un obstacle, ils peuvent apprendre à fonctionner avec des règles et des codes différents.
En développant une posture d’ouverture, d’adaptation et de clarté, ils construisent un environnement de travail inclusif, où chaque talent, quelle que soit sa singularité cognitive, peut s’épanouir.
Dans un autre article, nous traitons de l’approche interculturelle de l’autisme à travers le monde.